CERVELLE DE VEGAN

Une traduction d’un billet de Georgia Ede, dont le pedigree envoie du pâté : assistante de recherche dans le domaine de la biochimie, diplômée de l’University of Vermont College Of Medicine, membre de l’équipe de psychopharmacologie de l’université d’Harvard, psychiatre au Smith College de Northampton. Voilà ça c’était pour les arguments d’autorité 😉 Le texte original :

https://www.psychologytoday.com/us/blog/diagnosis-diet/201709/the-vegan-brain?A4J

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Régimes végétaliens, micronutriments et santé mentale

La plupart des gens pensent que les fruits et les légumes regorgent de toutes les vitamines, minéraux et puissants antioxydants dont ils ont besoin pour vivre et prospérer. Il est vrai que de nombreux aliments végétaux sont riches en plusieurs de ces substances, mais ce n’est pas parce qu’un aliment contient un nutriment particulier que nous pouvons y avoir accès. Malheureusement, les éléments nutritifs des plantes se caractérisent souvent par une faible « biodisponibilité » – ce qui signifie qu’ils sont difficiles à extraire, à absorber et à utiliser. La question qui se pose alors est la suivante : les régimes végétariens et végétaliens contiennent-ils les micronutriments dont notre cerveau a besoin pour fonctionner correctement ? Ou mettent-ils les personnes optant pour ces régimes en situation de risquer de souffrir de graves déficiences qui augmentent la probabilité de développer des troubles psychiatriques ?

Ci-dessous, je résume les plus importantes carences potentielles en nutriments vitaux pour le cerveau que TOUS les consommateurs de végétaux, qu’ils soient végétaliens, végétariens ou omnivores, doivent connaître, ainsi que les principaux risques de carence propres aux végétaliens et aux végétariens.

Remarque : Ceçi est une version adaptée d’un article complet intitulé Your Brain On Plants cité en bas d’article qui contient des informations supplémentaires, les études scientifiques et des références complètes.


Vitamine A 

La vitamine A est importante pour de nombreux aspects du fonctionnement du cerveau, y compris la vision, l’apprentissage et la mémoire.

Contrairement à la croyance populaire, les aliments d’origine végétale sont de mauvaises sources de vitamine A. En fait, ils ne contiennent pas de vitamine A du tout ! Ils contiennent plutôt des caroténoïdes, que nous devons ensuite convertir en rétinol, la forme de vitamine A que notre corps peut utiliser. Cette conversion des caroténoïdes des végétaux est un processus 12 à 24 fois plus difficile pour obtenir du rétinol que de consommer des aliments d’origine animale directement. Selon un article de synthèse paru en 2013 dans le Journal of Health, Population and Nutrition, cette difficulté permettrait d’expliquer pourquoi la cécité infantile due à une carence en vitamine A sévit dans des dizaines de pays en développement, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est :

« Une biodisponibilité médiocre joue un rôle prédominant dans le développement de la[carence en vitamine A] dans les communautés qui dépendent principalement des aliments à base de plantes. » Akhtar S et al 2013 J Health Pop Nutr 31(4)].

Heureusement, la carence en vitamine A aux États-Unis et dans d’autres pays développés est très rare, en raison de l’abondance des aliments d’origine animale et parce que de nombreux aliments transformés en sont enrichis.

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Vitamine D

La vitamine D3 joue un rôle important dans la croissance et le développement du cerveau, régule les niveaux de calcium dans le cerveau, aide à protéger les cellules du cerveau contre l’oxydation et soutient la santé de l’hippocampe (le centre mémoire du cerveau).
La forme de vitamine D dont notre corps a besoin est la vitamine D3 (cholécalciférol). Nous pouvons fabriquer la vitamine D3 à partir du soleil ou l’obtenir dans certains aliments d’origine animale. La forme de vitamine D présente dans les aliments végétaux est la vitamine D2 (ergocalciférol). Notre corps peut convertir une partie de D2 en D3, mais la forme D2 est moins puissante, a une durée de vie moindre dans le sang et peut être plus difficile à stocker dans notre graisse corporelle pendant les jours de pluie et les hivers sombres. Si nous passons suffisamment de temps au soleil, nous n’avons pas besoin d’obtenir de vitamine D de notre alimentation, mais de nombreuses personnes (quel que soit le régime choisi) en sont déficientes. La plupart des études ont montré que les végétaliens ont des taux sanguins de vitamine D3 plus faibles et sont plus susceptibles de voir leur taux chuter de façon préoccupante pendant les mois d’hiver que les omnivores.

 

 

Vitamine K2
Quand on évoque la vitamine K, la plupart des gens pensent à la vitamine K1, qui est abondante dans de nombreux aliments végétaux, mais la vitamine K2 est tout aussi importante et souvent négligée. La vitamine K2 est déroutante parce qu’elle se présente sous plusieurs formes, mais la forme essentielle dont nous avons besoin est appelée MK-4. Dans le cerveau, le MK-4 est nécessaire pour construire des composants critiques de la membrane cellulaire appelés sphingolipides, ainsi que pour soutenir la santé et le fonctionnement global des cellules du cerveau.

La forme MK-4 de la vitamine K2 n’existe que dans les aliments d’origine animale. Le corps peut convertir un peu de K1 en MK-4, mais pas assez pour répondre pleinement à nos besoins. Par conséquent, les végétaliens avisés se tournent vers le natto (soja fermenté), qui contient une forme bactérienne de vitamine K que notre corps peut transformer en MK-4 un peu plus facilement. Pour en savoir plus sur la vitamine K, veuillez consulter l’Ultimate Vitamin K2 Resource de Chris Masterjohn, PhD. Il recommande aux végétaliens de ne pas se fier uniquement au natto pour répondre à leurs besoins en K2, mais plutôt de prendre des suppléments spéciaux. (note de la traductrice, en effet, la forme de K2 que l’on retrouve dans le natto est la MK-7 et il semblerait que contrairement à son homologue animal la MK-4, elle ne passe pas la barrière encéphalique.)

 

 

Vitamine B12 (Cobalamine)

Sans cette vitamine essentielle, l’organisme ne peut synthétiser l’ADN, l’ARN, les globules rouges ou la myéline (la substance qui entoure et isole les circuits du cerveau). Comme on peut s’y attendre, la carence en B12 cause une foule de problèmes psychiatriques graves, dont la dépression, la psychose, les troubles de la mémoire, la manie et les changements de comportement ou de personnalité.

Les régimes végétaliens ne contiennent pratiquement pas de vitamine B12 et une carence sévère et prolongée en B12 est mortelle. La plupart des végétaliens et des végétariens sont conscients de ce danger et prennent des suppléments ou consomment de la levure enrichie (la levure non enrichie ne contient naturellement aucune vitamine B12). Malheureusement, la carence est encore beaucoup plus fréquente qu’elle ne devrait l’être, certaines études ayant révélé que jusqu’à 86 % des adultes (peu importe le régime alimentaire choisi) en sont déficients. Les chercheurs font état d’un large éventail de valeurs, mais dans l’ensemble, les végétariens ont tendance à avoir des taux de B12 inférieurs à ceux des omnivores, et les végétaliens, en moyenne, ont tendance à avoir les taux de B12 les plus bas de tous.

 

 

Autres vitamines B

Les vitamines B1 (thiamine), B2 (riboflavine), B3 (niacine), B5 (acide pantothénique), B6 (pyridoxine), B7 (biotine) et B9 (folate) travaillent toutes ensemble pour extraire l’énergie des aliments, construire des molécules vitales et réguler le métabolisme des neurotransmetteurs comme la sérotonine. Le cerveau est un organe qui nécessite beaucoup d’énergie, de sorte que même des carences légères et temporaires d’une seule vitamine du groupe B peut perturber considérablement son fonctionnement normal.

Toutes les vitamines B, à l’exception de la B12, se trouvent dans les aliments d’origine végétale, mais certaines études montrent que les végétaliens sont plus susceptibles d’être déficients en vitamine B3 (niacine), B6 (pyridoxine) et également B2 (riboflavine).

La riboflavine (B2) semble être celle à laquelle les végétaliens doivent accorder le plus d’attention, car les études ont montré de façon plus constante que les vegan ont un risque de carence significativement plus élevé que les végétariens ou les omnivores.

« La carence en riboflavine est endémique dans les populations dont les alimentations sont pauvres en produits laitiers et en viande. » [Powers HJ Am J Clin Nutr 2003;77]

Ces trois vitamines B se trouvent dans les aliments d’origine végétale, mais souvent en plus petites quantités que les aliments d’origine animale, de sorte qu’il peut être difficile d’obtenir des quantités adéquates à partir d’un régime végétalien, à moins que l’on prenne grand soin de choisir des aliments spécifiques.

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Iode

Le manque d’iode, en particulier au début de la vie, freine la croissance du corps et du cerveau. L’iode est une composante essentielle de l’hormone thyroïdienne, qui est essentielle au développement et au bon fonctionnement du cerveau. La carence en iode affecte deux MILLIARDS de personnes et est la cause évitable la plus courante de déficience intellectuelle dans le monde.
La plupart des aliments d’origine végétale ont une faible teneur en iode, comparativement à de nombreux aliments d’origine animale. Bien que les végétaliens soient généralement plus susceptibles d’avoir une carence en iode que les végétariens et les omnivores, la carence en iode est rare aux États-Unis en raison de l’utilisation généralisée du sel iodé.

 

Fer

Quand on évoque une carence en fer, les gens pensent à l’anémie (nombre inférieur de globules rouges dans la circulation sanguine), mais la vérité est que le cerveau a autant besoin de fer que les globules rouges. Le fer est nécessaire à la production de neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine et noradrénaline), à la production d’énergie cérébrale, à la fonction hippocampique (mémoire !), à la signalisation cellulaire et au développement du cerveau du nourrisson.

De nombreux aliments d’origine végétale contiennent moins de fer que les aliments d’origine animale et, pire encore, les plantes contiennent une forme de fer qui est beaucoup plus difficile à absorber que le fer héminique, la forme que l’on trouve dans les aliments d’origine animale. La plupart des végétaliens et des végétariens ont à peu près la même quantité de fer dans le sang que les omnivores, mais leurs réserves totales de fer dans le corps (combien ils ont en stock) ont tendance à être inférieures.

 

 

Zinc

Le cerveau a besoin de zinc pour la synthèse de la sérotonine, l’activation de la vitamine B6 et la signalisation cellulaire.
Les aliments d’origine végétale contiennent beaucoup moins de zinc que les aliments d’origine animale. La carence en zinc est beaucoup plus fréquente chez les végétaliens que la carence en fer, et pourtant on lui accorde beaucoup moins d’attention. Une étude suisse de 2017 a révélé que 47% des végétaliens avaient des niveaux de zinc insuffisants contre seulement 10% des omnivores. Certains essais cliniques montrent que la combinaison de suppléments de zinc avec des antidépresseurs améliore les résultats. Il y a même un essai contrôlé randomisé qui démontre que les suppléments de zinc seuls peuvent réduire la gravité des symptômes de dépression.

 

Acides gras oméga-3 essentiels : DHA et EPA

La DHA et l’EPA sont les formes d’acides gras essentiels oméga-3 nécessaires au fonctionnement du cerveau et du système immunitaire. Le cerveau est extrêmement riche en DHA, qui est nécessaire pour fabriquer la myéline (le matériau qui entoure les cellules nerveuses, isolant les circuits cérébraux), et pour maintenir les membranes cellulaires assez fluides et souples pour faire circuler les neurotransmetteurs dans les deux sens. Le DHA est essentiel à la formation de synapses saines (connexions entre les cellules du cerveau) ; par conséquent, le cerveau des nourrissons a besoin de beaucoup de DHA pour se développer correctement. Bref, la DHA joue un « rôle unique et indispensable » dans la « signalisation neuronale cohésive et organisée indispensable à une intelligence supérieure »[Dyall SC 2015 Frontiers in Aging Neuroscience 7(52)].
Les régimes végétaliens ne contiennent absolument aucun DHA ou EPA, et les régimes végétariens n’en contiennent que de petites quantités, issues d’œufs et de produits laitiers. Par rapport aux omnivores, les niveaux de DHA et d’EPA peuvent être inférieurs d’environ 30% chez les végétariens et de plus de 50% chez les végétaliens. En effet, la forme d’oméga-3 (ALA) que l’on trouve dans les aliments végétaux est très difficile à transformer en DHA pour l’organisme. Au mieux, les femmes ne convertissent qu’environ 9 % de l’ALA qu’elles consomment en DHA, alors que les hommes en convertissent de 0 à 4 %.

Les seuls suppléments compatibles avec un régime végétalien disponibles sur le marché  contenant de l’EPA ou du DHA sont ceux dérivés d’algues. Les suppléments d’oméga-3 d’origine végétale, comme ceux du lin ou du chia, ne contiennent que de l’ALA. Par conséquent, je recommande fortement à tous les végétaliens et végétaliens de prendre un supplément d’oméga-3 à base d’algues. Le DHA et l’EPA sont difficiles à trouver, même dans la plupart des régimes omnivores, parce que les aliments qui en contiennent naturellement (poissons gras, graisses animales/abats d’animaux élevé en pâturage uniquement) sont ceux que les gens ne mangent pas beaucoup de nos jours, donc de nombreux omnivores en sont aussi déficients.

Remarque : il est tout aussi important de veiller à l’augmentation de l’apport en EPA et en DHA que de réduire la quantité d’acides gras oméga-6 dans l’alimentation, car les oméga-6 font concurrence aux oméga-3 dans l’organisme. La meilleure façon d’y parvenir est d’éviter les « huiles végétales » raffinées comme les huiles de soja, de tournesol et d’arachide, qui sont extrêmement riches en acides gras oméga-6.

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Les végétaliens ont-ils un trop faible taux de cholestérol dans le cerveau ?

On nous dit souvent que l’un des avantages d’un régime végétalien est que tous les aliments végétaux sont naturellement sans cholestérol à 100 %. Pourtant, le cerveau (et toutes les cellules du corps humain) a besoin de cholestérol pour fonctionner correctement. Bien que le cerveau ne représente que 2 % du poids corporel total, il contient 20 % du cholestérol de l’organisme. Le cholestérol est nécessaire à la structure et au fonctionnement des membranes des cellules cérébrales et est un composant vital de la myéline (isolation des cellules cérébrales). Cela amène certains à s’inquiéter du fait que les végétaliens soient à risque d’avoir un faible taux de cholestérol dans le cerveau, mais y a-t-il vraiment lieu de s’inquiéter ?

C’est une question fascinante avec une réponse surprenante, c’est pourquoi il a son propre post ici même sur Psychology Today : Low Brain Cholesterol : Separating Fact From Fiction, consacré à la question de savoir si les personnes qui mangent « sans cholestérol » ou qui prennent des statines pour abaisser leur taux de cholestérol doivent s’inquiéter d’une baisse du cholestérol dans le cerveau.

 

Soyez vigileant avec vos micronutriments ! 

En résumé, les nutriments pour le cerveau en bonne santé dont les (phytophages) végétaliens des pays développés doivent se préoccuper le plus sont les suivants: DHA, iode, vitamine B12, vitamine K2 (MK-4), zinc, fer, riboflavine (B2) et vitamine D3. Il est de notoriété publique que les régimes végétaliens doivent être complétés avec de la B12, mais beaucoup de gens ont l’impression que les fruits et légumes colorés sont d’excellentes sources de la plupart des autres nutriments essentiels. J’excerce au Smith College, où 4% de mes étudiants suivent un régime végétalien, soit le double de la moyenne nationale par rapport aux autres campus universitaires ; la grande majorité d’entre eux citent la compassion pour les animaux ou les préoccupations environnementales – pas la santé – comme principale motivation. Beaucoup d’étudiants que je traite qui choisissent un régime végétalien ne prennent que des suppléments de B12, et certains ne prennent pas de suppléments du tout. La science est claire sur ce point : les régimes végétaliens non complémentés présentent un grand danger pour la santé cérébrale. J’espère que cet article aidera à attirer l’attention sur ces autres nutriments essentiels dont le cerveau a besoin pour fonctionner au mieux de sa forme.

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Remarque : Cet article est une version adaptée d’un article complet intitulé Your Brain On Plants, qui comprend des informations sur les antinutriments végétaux (acide phytique, tanins, oxalates et goitrogènes), les études scientifiques sur les carences nutritionnelles et les troubles psychiatriques, des commentaires et des références complètes :

http://www.diagnosisdiet.com/micronutrients-mental-health/

 

 

 

7 commentaires sur « CERVELLE DE VEGAN »

      1. Merci! Je sais que je suis le meilleur (et modeste en plus…)!

        Une petite pensée pour touts ces cochons qui ont donné leur vie pour que mon cerveau non carencé puisse pondre un jeu de mots aussi extraordinaire!

        R.I.P (Ribs In sPices).

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  1. https://www.pourlascience.fr/sd/neurosciences/ces-maladies-psychiatriques-qui-nen-sont-pas-16343.php
    « Comment un simple manque de vitamines peut-il déclencher des symptômes aussi sévères [dépression sévère ou schizophrénie]? La vitamine B12 est impliquée dans plusieurs cycles enzymatiques essentiels. Dès lors, sa carence entraîne le dysfonctionnement des « chaînes de fabrication » de certains neuromédiateurs clés – comme la sérotonine, impliquée dans la régulation émotionnelle –, dont la quantité diminue dans le cerveau. En outre, des dérivés toxiques s’accumulent, déclenchant une inflammation cérébrale. Certaines molécules produites lors de cette réaction (comme les cytokines) provoquent une hypersensibilité de l’axe du stress, une diminution supplémentaire de la production de neuromédiateurs et toutes sortes d’autres réactions qui affectent le psychisme. Au final, une carence en vitamine B12 peut perturber gravement l’humeur, voire se traduire par des troubles psychotiques chez certains patients vulnérables. »

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